Dans une ère numérique où les applications de rencontres tournent à plein régime, quelques âmes déchirées cherchent leur bonheur via des émissions télévisées. Déclinées dans des formats différents, elles mettent plus ou moins toutes en scène des célibataires. Ces derniers sont généralement attractifs, mais galèrent dans leur vie sentimentale. Le show Indian Matchmaking fait partie de ceux où il y a un intervenant spécialiste en relations amoureuses. Or, entre une vision un peu archaïque du mariage de l’experte et de jeunes candidats vivant dans une époque de consommation de partenaires, le gouffre semble trop important.

Des célibataires indiens qui recherchent uniquement quelqu’un de leur communauté

À l’heure du fantasme de vivre ensemble, certaines émissions nous démontrent que le communautarisme a encore de beaux jours devant lui. Dans Indian Matchmaker, tous les célibataires sont Indiens, mais ils résident pour la plupart aux États-Unis.

Bien que tout le monde ait le droit de vouloir se mettre uniquement en couple avec une personne issue de la même culture, le champ des possibilités se réduit drastiquement.

Un bon nombre de candidats a pourtant déjà fréquenté des partenaires de nationalités différentes par le passé. Ceux installés aux States ont d’ailleurs adopté davantage les codes américains que ceux de leur pays d’origine. Or, dans une culture encore très traditionaliste, ces jeunes actifs sentent une pression implicite de se conformer aux coutumes indiennes.

Dans le cadre de l’émission, ces individus en quête du grand amour comptent sur la Matchmaker. Elle a pour mission de leur trouver une personne avec laquelle ils se marieront.

Vers un retour du mariage arrangé

L’accent est plus mis sur les qualités que le ou la futur(e) partenaire doit posséder pour vivre une relation de longue durée. L’histoire d’amour est plutôt quelque chose de secondaire. Le show n’hésite pas à mettre en scène de vieux couples déclarant que leur mariage avait été arrangé sans qu’ils se soient rencontrés auparavant.

Quoique que cela puisse sembler archaïque, de nombreuses cultures fonctionnent encore sur ce schéma. Chez nous, l’émission « mariés au premier regard » tourne un peu sur cette dynamique-là.

Bien que les deux protagonistes aient tout le loisir de dire non, ils viennent pour se marier avec un partenaire inconnu. Ce dernier a été scrupuleusement déniché par des experts.

Toutes les étapes par lesquelles une immense majorité des couples traversent sont effacées. Plutôt que de marquer notre amour par un engagement, ce dernier est censé développer nos sentiments amoureux par la suite. Si cela a fonctionné pour de nombreux Indiens au 20e siècle, la nouvelle génération se trouve dans un dilemme plus compliqué à résoudre.

Le désir d’engagement dans un monde où le choix semble quasi illimité

Les actifs des grandes villes connaissent des sentiments contradictoires. Souvent concentrés sur leur carrière professionnelle et leur vie personnelle, ils parviennent à tirer énormément de satisfactions dans leur célibat lorsque celui-ci n’est pas forcé.

Les plus chanceux peuvent évidemment se permettre d’enchainer plusieurs amourettes aussi intenses que brèves. L’absence d’engagement et l’excitation de rencontrer une nouvelle personne restent généralement épanouissant dans une période donnée.

Ce mode de vie a toutefois ses limites et ces célibataires approchant la trentaine sentent qu’il leur manque quelque chose. Cette volonté ne semble néanmoins pas toujours personnel. Nous sommes nombreux à osciller entre le désir de fonder une famille et de poursuivre le plus longtemps possible cette vie solo.

Celle-là même qui nous décharge de la gigantesque responsabilité d’être parent ou tout simplement conjoint. La tentation du moment et le conformisme de la génération précédente s’entrechoquent dans nos esprits.

Un quotidien qui s’articule autour de la vie professionnelle

Les célibataires les plus épanouis sur le plan professionnel et personnel demeurent généralement les moins enclins à s’engager. Devant une vie bien remplie, ils n’ont logiquement pas envie de se laisser bousculer par le premier venu dans leur quotidien.

Au sein des grandes villes où les options sont légion, ces solos n’accordent leurs faveurs qu’à des individus qui présentent de sérieux atouts. Or, les compétences ne suffisent parfois plus et la moindre contrariété peut se transformer en rupture.

Tant les hommes que les femmes sont confrontés à un choix cornélien. Ces dernières subissent toutefois la pression de leur horloge biologique. Si les progrès de la médecine ne sont plus à démontrer, il y a des limites d’âge pour être maman.

De leur côté, les mâles peuvent procréer quasi toute leur vie. Trop sollicitées par les mecs, certaines femmes en viennent à dénigrer une grande partie de la gent masculine. Leurs envies et possibilités se restreignent. Elles ne font que repousser le choix d’un partenaire idéal pour lequel elles devront peut-être tirer une croix.

Une Matchmaker démunie face à une nouvelle génération

Expérimentée, la matchmaker n’hésite pas à rappeler ses clients à l’ordre. Devant certaines jeunes actives qui dressent des listes aussi semblables qu’interminables, la spécialiste leur fait prendre conscience de leur excès délirant d’exigences. Elle tente tant bien que mal de trouver quelqu’un qui remplit l’inventaire à 60 – 70%.

Cette experte confie toutefois sa détresse face à cette nouvelle génération qui est beaucoup difficile. Dans l’ancienne, les mariages étaient arrangés sur moins de critères.

Ces Indiennes de 28 à 38 ans vivent dans une société qui leur offre d’être de plus en plus pointilleux. Or, elles veulent également cocher les idéaux plus classiques de leurs parents ! Cela crée une confusion en elles-mêmes qui ne fait que compliquer la recherche du partenaire irréprochable.

Outre les traditionnelles taille minimum, métier valorisant dans la pyramide sociale et désir d’avoir des enfants, voilà que le futur compagnon doit maitriser un dialecte indien qu’elles ne pratiquent même pas.

La matchmaker a quant à elle du mal à comprendre les désideratas de la nouvelle génération. Elle insiste sans cesse sur les valeurs familiales, la gentillesse et quelques qualités secondaires qui n’éveillent pas l’excitation.

Devant des expatriés “workoholics” et pragmatiques qui font leur vie dans de grandes villes américaines, elle use de techniques parfois ésotériques qui ne suscitent rien chez ses clients. Même face à un rejet physique, cette “spécialiste” dit qu’il faut passer outre. Elle balaye d’un revers d’une main l’importance de l’attraction entre deux personnes vivant dans l’ère du swipe.

Si la Matchmaker a le mérite de ramener certains candidats sur terre, elle ne maitrise visiblement pas les codes actuels. Ce décalage ne fait finalement qu’exacerber les différences entre deux générations et cultures qui éprouvent souvent les pires difficultés à se comprendre.